Mesdames, Messieurs les Municipaux,
Mesdames, Messieurs les conseillers communaux, cher-e-s collègues,
Les 102 pétitionnaires ont pris connaissance de la réponse de la Municipalité du 6 mars 2014, à leur pétition déposée le 2 septembre 2013.
Selon eux, cette réponse est insatisfaisante sur deux plans:
- Elle ne précise pas les raisons pour lesquelles la Municipalité a porté ses économies – ou son frein aux dépenses – sur la suppression d’une partie de l’offre des transports scolaires plutôt que sur le fonctionnement des services généraux de l’administration communale, par exemple. Le seul élément récurrent que la Municipalité invoque serait l’injonction faite par la commission des finances de limiter les dépenses dans ce domaine.
- Par ailleurs, la réponse ne comporte aucun élément de résolution concret de la situation prenant en considération les difficultés organisationnelles des familles et limitant le recours aux transports privés des élèves, polluant et encombrant.
Sur ce dossier des transports scolaires, un petit retour en arrière me semble utile pour asseoir le contexte dans lequel cette discussion a pris place et les réaménagements possibles. (Il est établi sur les documents à disposition sur l’intranet qui ne restituent pas forcément toujours le pourquoi des décisions prises)
a) Pourquoi proposer l’organisation d’un transport collectif des élèves scolarisés sur le territoire communal et faire voter son principe et son financement par le Conseil communal?
La question de l’introduction d’un « transport interne à la commune » comprenant l’organisation d’un transport scolaire pour les enfants du haut de la commune, traversant le village et desservant les collèges de Chisaz et de Marcolet est débattue entre 1998 et 2000. La Municipalité conduite par Gilbert Bovay a constitué une commission extra-parlementaire de 9 personnes pour élaborer un projet global de développement de la mobilité douce, projet finalisé et présenté dans un document intitulé plan directeur communal. (Voir PV et préavis 34/2000, adoption du plan directeur communal).
La Municipalité et le conseil communal d’alors ont considéré que les transports scolaires étaient la réponse la plus rationnelle et la plus économique aux préoccupations d’enclassement résultant du développement démographique de Crissier. Préoccupations conjointes de la direction des écoles de l’époque qui devait ajuster le nombre d’enseignants en regard du nombre d’élèves à enclasser et de la commune qui souhaitait favoriser l’établissement de nouveaux habitants, entre autres des familles de la classe moyenne. En effet, le choix d’organiser des transports communs est rapidement apparu plus aisé et moins coûteux à la commune et au DFJ que la construction d’écoles de proximité pour les classes enfantines et primaires dans les quartiers les plus éloignés des collèges de Marcolet et Chisaz (modèle qui aurait représenté une alternative au développement de la mobilité des élèves du haut du village, modèle qui sera finalement retenu). Cette solution avait aussi l’avantage d’assurer la sécurité des déplacements et d’être rapidement mise en place. Elle permettait aussi par le rassemblement des élèves sur deux sites principaux (Chisaz et Marcolet) d’éviter l’éclatement des horaires scolaires, en réduisant le déplacement des enseignant-e-s, sur plusieurs sites éloignés les uns des autres, et en facilitant leur remplacement en cas de besoin. (Voir PV des séances du CC de 2000, 2001et 2002).
La commune ne disposant pas à l’époque d’une offre d’accueil parascolaire aussi étoffée qu’aujourd’hui, elle résolvait avec l’introduction des transports un autre problème du moment, celui d’organiser une cantine scolaire semi ou entièrement professionnelle et un accueil pour écolier. Le gain de temps pour le retour à domicile des enfants et le réinvestissement des repas par les parents, grâce au maintien d’une importante pause de midi (1 heures 30) permit une adaptation progressive du « Resto » (ancêtre de la cantine scolaire actuelle) dans des locaux adéquats, à des coûts intéressants et répartis sur une plus longue durée temporelle (voir PV et préavis 21/2003).
b) Comment optimaliser les coûts des transports scolaires, tout en développant la mobilité?
Rapidement les transports scolaires sont victimes de leur succès. Le nombre d’enfants qui les utilisent est plus important que celui estimé par la Municipalité. L’offre est redimensionnée et la Municipalité de l’époque met en discussion devant le Conseil une proposition de collaboration avec le TL sous la forme d’un partenariat public-privé, afin de juguler l’augmentation des coûts des transports scolaires inhérents à l’attractivité de l’offre, tout en élargissant l’accès aux transports à d’autres groupes que les élèves. Malheureusement, la majorité du Conseil ne la suivra pas. Diverses oppositions individuelles et de groupe eurent raison de cette proposition. Entre autres, mais pas seulement, la prise de position d’une partie des membres du ROLC (prise de position du ROLC datée du 11 novembre 2002) opposés à la synergie avec les TL souhaitant distinguer la question des transports scolaires de celui de la mobilité pour des questions budgétaires et d’abus possible.
En 2006 et en 2008, la question financière revient devant le Conseil et des pistes sont à nouveau proposées, sans remettre en cause les tracés et le cercle des ayant droits (voir PV de séance et propositions individuelles d’Erika Blanc, Roberto Francioli, Patrick Martin et de la soussignée).
– une réflexion sur le co financement de la mobilité menée avec les TL pour éviter des coupes (trajets couplés, prolongements de ligne et abonnements croisés);
– une réflexion sur les transports scolaires couplée à d’autres offres de déplacement comme le pédibus par exemple, pour que seuls les enfants en ayant vraiment besoin utilisent les transports proposés;
– l’élargissement de l’offre pour d’autres populations que les enfants, les personnes âgées par exemple, pour amortir la progression des coûts.
Aucune des propositions ci-dessus ne seront reprises.
Ce petit résumé des principales décisions communales prises entre 2000 et 2014 sur cet objet montrent que la mise en place des transports scolaires relevait d’une allocation optimale des ressources communales à long terme en regard de solutions tout aussi pertinentes sur le pan pédagogique et social pour les élèves, mais plus coûteuses. Il est donc regrettable d’avoir pris aujourd’hui une décision à courte vue, en supprimant certains trajets, car elle risque de ne pas avoir les effets escomptés à court terme, si la loi est appliquée (car certains élèves peuvent toutefois avoir droit à l’intégralité des transports quelque soit leur âge conformément à la législation actuelle) et à long terme au vu des projets de développement urbanistiques de Crissier et de leurs effets sur l’organisation scolaire.
Il y a 12 ans, cette proposition était novatrice et à l’heure ou la commune s’apprête à accueillir de nouveaux habitants, donc de futures familles, la question d’un réinvestissement dans la mobilité pour l’ensemble des élèves enclassés sur le territoire communal ainsi que pour l’ensemble de la population (et non d’un rétrécissement) en étoffant le dispositif existant par de synergies entre acteurs public et privé est plus que d’actualité pour des raisons autant économiques qu’écologiques (dispersion des infrastructures et mitage du territoire). L’analyse transversale (transports scolaires, infrastructures, mobilité générale, coûts) qui a prévalu devrait être la ligne de conduite d’aujourd’hui dans ce dossier selon les pétitionnaires. La décision qui a été prise l’an dernier nous semble avoir était prise sans tenir compte de ces effets financiers et sociaux collatéraux.
Ces constats permettent de réaffirmer que la pétition ne repose pas sur les caprices et l’égoïsme de quelques parents, ni sur ma mauvaise foi bien que certains et certaines d’entre vous se soient acharnés et s’acharnent encore à m’attribuer, confondant volontairement mes fonctions de membre du CET, de conseillère communale et de citoyenne.
Les pétitionnaires ont à l’heure actuelle trois alternatives complémentaires pour faire évoluer le dossier:
– L’option judiciaire qui devrait permettre de faire appliquer la loi pour les familles de Crissier qui remplissent les critères requis:
- l’application de la norme des 2,5 km pour les enfants valides ;
- l’application en dehors de la norme des 2,5 km sur dérogation pour les situations de rigueur (handicap, maladie chronique, etc.).
– L’option de médiation: trouver une solution pour la réintroduction de la totalité des trajets pour les transports scolaires à satisfaction de chacune des parties avec si nécessaire, l’appui des services de l’Etat (DFJ et DIS).
– L’option politique : Le canton de Vaud a dit oui à l’école à journée continue lors des votations du 27 septembre 2009. Soutenir sa mise en place le plus rapidement possible sur le territoire communal. UAPE, APEMS et cantine scolaire devront alors être redimensionnés et nécessiteront un investissement financier plus important que celui consenti actuellement et auquel la commune ne pourra échapper.
Je vous remercie de votre attention
Sophie Rodari, le 17 mars 2014