Je remercie la Municipalité de la réponse apportée à mon interpellation. J’y ai lu la volonté de Mme Beaud d’engager un renforcement de la politique des aînés, mais en même temps une retenue à mobiliser des moyens plus conséquents, en raison de doutes quant au sens d’une démarche plus volontaire et plus affirmée et pour des raisons financières.
Je souhaite reprendre les divers arguments avancés par la Municipalité :
- Référence aux expériences d’autres communes.
Celles-ci ne sont malheureusement pas citées : Bussigny a effectivement mis en place un Comité Seniors et Renens n’a pas poursuivi la démarche Quartier Solidaire après le diagnostic communautaire. Par contre, Prilly en est à son troisième Quartier Solidaire et Ecublens a vu suite à son Quartier Solidaire, qui a couvert l’ensemble de la commune, la naissance d’une association, les 55+, très active dont le dernier programme d’activité, pour la période de juin à mi-août 2018, propose 4 pages d’activités variées susceptibles de répondre à des attentes diverses.
La réflexion de la Municipalité a-t-elle dès lors pris en compte la variété de ces expériences ou celle de Bussigny a-t-elle occulté toutes les autres ?
- Absence de besoin et d’envies des aînés.
Les démarches de Pro Senectute cherchent à impliquer tant des personnes proches de la retraite ou tout récemment retraitées que des personnes plus âgées. Selon les statistiques vaudoises, au 31.12.2016, 13,5% de la population de Crissier, soit 1031 personnes, étaient âgées de 65 ans et plus.
Comment sait-on que cette part importante de la population de Crissier ne serait pas intéressée par une démarche de type Quartier Solidaire ?
Le projet de Comité Seniors a été présenté à certaines des sociétés locales offrant des activités spécifiques aux aînés ou les accueillant dans leurs activités tout public et cette idée a été bien reçue. On ne leur a cependant pas demandé de se prononcer sur une alternative. Et quand bien même l’aurait-on fait, ces sociétés ne représentent pas l’avis de l’ensemble de la population concernée, mais au mieux de celles et ceux qui participent déjà à ses activités, y trouvent leur réalisation et n’ont pas forcément d’autres souhaits de participation ou d’engagement.
Le fait que 8 personnes aient pris part à la séance organisée pour lancer la démarche de Comité Seniors et que 4 se soient déclarées prêtes à la poursuivre ne présage pas non plus de l’absence d’intérêt pour une démarche de type Quartier Solidaire. En effet, cette démarche serait différente : par le biais d’animateurs présents sur la commune, il s’agirait alors précisément d’entrer en relation personnellement avec les aînés, y compris avec ceux que l’on voit moins dans l’espace public, de prendre du temps pour favoriser l’expression des demandes qui ne s’expriment pas forcément autrement ou spontanément, de susciter l’engagement et de montrer qu’il est possible de réaliser des projets ensemble. La démarche est en elle-même l’outil permettant la mise en évidence d’une demande des aînés et leur engagement.
- Rapidité de la mise en place d’activités :
Dans la mesure où le Comité Seniors veut rassembler des personnes qui viennent avec leurs idées et leur volonté d’engagement bénévole, il est probable qu’une ou plusieurs activités se mettent en place rapidement : on nous parle d’ailleurs déjà d’un groupe de jass.
Cependant, le Comité Seniors, comme tout groupe, ne pourra faire l’économie du temps nécessaire à sa constitution. Ses membres vont devoir apprendre à se connaître et à fonctionner ensemble. Ils vont devoir échanger leurs idées, décider de les réaliser ou non, en fonction de leurs moyens limités, en espérant qu’elles rencontrent les envies des aînés de la commune.
Mais surtout, la réponse de la Municipalité considère à tort la période d’un diagnostic comme une potentielle perte de temps pour la mise en place de projets. C’est ne pas voir que le diagnostic est en lui même une série d’activités : constitution et rencontres régulières d’un groupe habitants, participation aux activités sociales dans la commune et contacts personnels pour rendre la démarche visible, préparation et réalisation avec le groupe habitants de l’enquête auprès des aînés et organisation de rencontres publiques de discussion pour que puissent émerger des projets répondant aux attentes et que des aînés s’organisent pour les réaliser et les porter sur la durée.
- Les coûts.
Selon les chiffres de la Municipalité, au moment de comparer les deux options, une démarche de type Village Solidaire aurait coûté Frs 200’000.-. Cette dépense a été considérée comme trop conséquente. Elle correspond pourtant à 38% de la somme utilisée pour couvrir les arènes (Frs 530’000.-).
Il en va de même de la somme de Frs 80’000.- pour la seule année du diagnostic communautaire, ce moyen de sonder les avis des aînés et de les mettre en mouvement. C’est pourtant juste un peu plus que les Frs 60’000.- engagés pour sonder l’intérêt pour un terrain de beach-volley.
Il ne s’agit pas de mettre en balance ces différents investissements, mais de mettre en perspective ces montants par rapport à d’autres demandés par la Municipalité et validés par ce conseil.
Il n’en reste pas moins qu’avec un coût de frs 5’000.- maximum par année, un Comité Seniors paraît bien plus attractif. Mais nous réalisons tous qu’avec ce montant, on ne peut pas attendre le même résultat que si l’on engage des moyens plus importants, garantissant une plus grande visibilité et permettant un travail de proximité et de contact approfondi auprès des aînés. A titre d’illustration et en comparaison avec le programme des 55+ d’Ecublens évoqué précédemment, selon le site de la commune de Bussigny, le Comité Seniors organise chaque mois une balade socio-culturelle, un thé dansant et 2 rendez-vous country.
Je reste convaincu qu’une démarche plus ambitieuse aurait du sens pour Crissier. En fonction des objectifs de la commune et peut-être également pour éviter que les 4 bénévoles ne se découragent, il pourrait être utile de réfléchir aux moyens de renforcer et de compléter la démarche du Comité Senior, en définissant des moyens plus importants que les frs 5000.- annoncés, en revoyant avec Pro Senectute la palette des outils qu’ils proposent, voire en choisissant peut-être tout de même de mettre en route un diagnostic communautaire ou un Quartier Solidaire à brève ou moyenne échéance. Ces démarches ne sont pas magiques mais elles permettraient de se faire une réelle idée des envies, besoins et problématiques rencontrées par les aînés de la commune et de mettre toutes les chances de son côté pour qu’un réel mouvement émerge.
Mais pour cela, évidemment, il faudrait une volonté politique. Au vu du contexte et de la démarche déjà engagée, déposer ce soir un texte demandant d’envisager le démarrage d’un Quartier Solidaire, la mise en place d’un diagnostic communautaire ou toute autre piste renforçant l’engagement de la commune serait prématuré.
J’invite par contre une nouvelle fois tou·te·s les conseiller·ère·s à s’informer (je rappelle les sites déjà mentionnés dans mon interpellation : site de Pro Senectute : www.quartiers-solidaires.ch.; site des 55+ d’Ecublens : www.ecublens.ch/cadre-de-vie/residents/aines-55-et). Demandez-vous, chacun·e, si la démarche engagée à Crissier vous semble satisfaisante et suffisante ou si vous souhaitez que la commune s’engage plus fortement en matière de politique des aînés.
Dans le sens de la méthode des Quartiers Solidaires, inclusive et participative, j’invite tou·te·s les conseiller·ère·s qui soutiennent l’idée d’une politique des aînés plus forte à me le communiquer, soit directement, soit par mail afin de me permettre de les associer à une démarche plus formelle que je pourrais entreprendre sur cette thématique lors d’un prochain conseil.
Enfin, je souhaite qu’au prochain conseil Mme Beaud nous informe sur le développement de l’expérience du Comité Senior et des éventuelles réflexions complémentaires qu’elle pourrait avoir faites sur ce sujet.
Je vous remercie tou·te·s pour votre attention.
Bernard Barmaz