Je fais partie des 2 commissionnaires qui ont voté contre le projet et j’estime nécessaire de venir m’en expliquer à cette tribune.
J’ai voté contre un projet qui me semble toutefois avoir des aspects très positifs. Parmi lesquels, la volonté claire de créer un centre bien identifié à notre village pour l’instant éparpillé, la situation géographique de ce champ actuel qu’est en Chise s’y prêtant particulièrement. Par ailleurs, le projet est cohérent avec le plan directeur communal, établi de longue date (2000), qui se réalise petit à petit, qui est donc dans la lignée d’un développement souhaité depuis longtemps. Dernier point, qui n’est pas le moins important, il a été rappelé en commission que le crédit qui vous est demandé ce soir n’entérine PAS la maquette qui nous a été exposée. Nous ne donnons donc pas notre accord officiel à la réalisation telle quelle de ce qui a été imaginé par le bureau d’architectes et l’aspect définitif de ce quartier ne devrait donc pas ressembler trait pour trait à ce qui ne reste pour l’instant qu’une proposition. C’est du moins le message qui nous a été donné.
A côté de tout cela, des points importants n’ont pas été répondus de manière convaincante. Certains arguments ne sont pas acceptables, d’autres très incomplets, voire contradictoires. Pour les premiers, l’argument selon lequel la commune aurait le couteau sous la gorge financièrement et que cela justifierait de créer au plus vite ce nouveau quartier, en profitant de la bonne volonté des promoteurs qui risque de ne pas durer, n’est pas recevable. On peut comprendre que ce soit une préoccupation importante pour la Commune, mais pas que ce soit l’argument déterminant pour lancer un projet qui va modifier de manière drastique l’aspect et le peuplement de notre village. Par souci de sagesse, nous nous devons de préserver l’unité, l’intérêt et l’agrément collectifs pour que les gens de ce village se reconnaissent dans ce nouvel espace et qu’il ne devienne pas une cité dans la cité, un élément surajouté, abordable aux gens de l’extérieur, aux appartements moins chers qu’à Genève ou Lausanne, pratique pour dormir, mais qui n’a pas de sens interne. Autre point, la mixité sociale. Ce point, pourtant revendiqué par le préavis comme l’un des points forts du projet, n’est clairement pas garanti. Tout au plus y décrit-on une mixité d’intérêts à être là (habiter, travailler, commercer). Le côté « social », impliquant une mixité de population, n’est pas vu ou fortement biaisé. Il n’est ainsi prévu aucun espace pour des logements subventionnés, rien réservant un raisonnable pourcentage du parc locatif avec des loyers bloqués en fonction de la
taille et du revenu des ménages. En clair, la population attendue appartient à la classe « moyenne moyenne » et de préférence nettement supérieure (des avocats, des bureaux d’architectes par exemple). Et les autres ? Je ne parle pas nécessairement de gens qui sont à l’aide sociale ou qui sont proches d’être à la rue, mais de toute une frange de la population, des jeunes, des natifs de Crissier, qui vont aller habiter ailleurs, parce qu’ici ce sera trop cher. Les prix pratiqués, 1750 F le 3 pièces 1/2 en moyenne, les excluront d’emblée. Il est dommage pour un village de perdre ses enfants. Troisième point litigieux, l’intégration du nouveau quartier. Effectivement le lien estouest semble avoir été bien travaillé. On insiste en particulier sur la mobilité douce, dont les axes ont été particulièrement soignés, avec un joli résultat. Mais la mobilité pas douce ? Deux routes vont encercler ce quartier, l’équivalent en voitures de quasiment 2000 habitants nouveaux va se déverser tous les matins de la semaine sur ce site d’ores et déjà saturé. Comment va se régulariser le trafic ? Combien de temps on va attendre si on rajoute en plus 2 ou 3 feux rouges sur cette zone, car il faudra bien que ces nouveaux habitants s’insèrent sur ces routes cantonales ? Dans ce désordre probable, sur l’axe nord-sud, comment sera protégée la mobilité de ces usagers vulnérables que sont les piétons, et en particulier les enfants qui descendront du haut du village pour rejoindre l’école ? Quelle voie pratique et aisément accessible permettra aux habitants du nord du village de rejoindre ce quartier devenu « central », cela sans avoir à faire des détours par des quartiers où leur route spontanée ne les mèneraient pas? Toujours au chapitre de l’intégration, qu’en sera-t-il de l’équilibre des densités entre ce nouveau quartier et les quartiers environnants actuels, nettement plus aérés ? Peut-on gommer une différence criante en étant certains que cela ne posera pas de problème à long terme? Au niveau plus global maintenant, le parti socialiste rejoint le questionnement qui a d’ailleurs été posé en commission. Nous sommes dans un contexte où les villes alentour construisent partout. Ne court-on pas le risque d’une pléthore d’appartements sur la région, et donc le risque que les nôtres, une fois construits, restent vides ? Deuxièmement, la question de la spécificité de ce quartier et d’un message territorial clair, que nous trouvons déjà posée dans le rapport de la commission d’urbanisme du 14 mars 2016 concernant la présentation du projet lauréat du mandant d’études parallèle en Chise, n’a pas été répondue. En conclusion donc, la lecture du PV de la commission d’urbanisme sur le projet qui vous est soumis ce soir ne dégage pas l’idée d’un consensus. Pas de consensus non plus du côté de la commission chargée de l’étude du préavis : 4 oui, 2 non, une abstention. A ce propos, vous noterez vous mêmes la formulation ,
pour le moins byzantine et prudente, « si le conseil communal veut freiner l’expansion trop rapide de Crissier, il peut le faire en refusant le futur plan de quartier plus tard » : soit je lis mal, soit c’est une invitation à laisser passer pour cette fois, à dépenser près de 400000 francs, pour au bout du compte se diriger vers un refus ce qui sera proposé. C’est assez curieux…
Christine Vaudenay